Kubin – suite




Les mondes crépusculaires (1933)

« L’essentiel dans les arts plastiques ne s ‘exprime jamais par les mots. » (p. 85)

« Je me suis toujours senti guidé de façon pulsionnelle dans ma création et on doit rarement y supposer une grande conscience. » (idem)

« Un jour, alors que je me tourmentais sans ménager ma peine pour représenter ce que je ressentais au plus profond de moi-même, j’ai cédé devant une force impérieuse contre laquelle mon moi conscient avait souvent résisté obstinément. Pour la première fois je me suis aperçu un peu plus clairement qu’il existe un royaume psychique intermédiaire, une région du monde crépusculaire qui lutte en moi pour une mise en forme réussie.» (pp. 85-86)

« Je ne vois pas le monde par hasard « comme ça », mais dans des instants étranges, comme à moitié éveillé, je découvre étonné ces transformations qui sont souvent à peine perceptibles, à tel point que si je les vois de façon extraordinairement claire lorsque je les découvre pour la première fois, je dois ensuite les amplifier en tâtonnant. Une faculté innée doit être exercée à cet effet avec beaucoup d’application. Mes espaces, mes éclairages, proportions et perspectives n’existent ni dans la nature ni dans ma tête, ils n’existent précisément que dans l’empire intermédiaire du crépuscule. » (pp. 87-88)


Créer à partir de l’inconscient (1933) réponses à un questionnaire

Q. sur le processus créatif. Conscient ou inconscient ? « Au moment de la conception originelle, je crée à partir d’une impulsion obscure, mais dans la phase d’achèvement (…) je me soumets absolument et avec une extrême souplesse au contrôle de la conscience. » (p. 96)
« A la vue de tels flots d’images, il me semblait évident que c’était quelqu’un qui m’était étranger – un magicien ? – qui détenait le pouvoir et que moi, simple mortel, je lui étais soumis pendant ces minutes ou ces heures d’ivresse (…) de façon complètement passive. » (p. 97)


Que pensez-vous de la crise de la culture ? (enquête, 1949)

« Pour être plus sensible à l’énigme de l’infaillible voix intérieure, je recommande parfois à des gens que je connais d’en finir définitivement avec cet intellectualisme, tout aussi criard que creux, qui occupe avec le bruit des masses et des machines le premier plan de la scène de notre monde. Faire naitre une pensée au détriment d’un sentiment, c’est toujours perdre de sa disponibilité pour la voix du cœur, celle qui ne fait que chuchoter. » (p. 114)


Bilan (1949)

« Savoir dessiner est un don souvent très envié. Devoir dessiner poussé par une nécessité intérieure constitue un destin. » (p. 116)
« La conception d’un dessin et surtout le leu d’où il provient, échappent à toute observation. Nous ne savons rien de cet éclair originel auquel nous sommes relies comme la glace au feu. Nous ne connaissons que ce qui suit son éclat. On se sent comblé par lui. Élève au niveau des choses colossales et en même temps toujours humble, on espère alors retenir quelque chose de leurs formes en travaillant avec métier. Si l’on y parvient, c’est une victoire sur tout ce qui est matériel, sur la poussière et sur le fatras. Alors l’ « œuvre  » s’enracine dans sa propre origine éternelle et mystérieuse. » (pp. 118-119) !!!!!
 








Postface par Christophe David :

« « Devoir dessiner poussé par une nécessité intérieure constitue un destin. » Conçu comme psychographie, le dessin n’est plus une technique que le dessinateur partagerait avec le peintre, c’est une façon d’être au monde, une façon de se soumettre à son principe et d’y trouver sa place. Le dessin est l’activité  dans laquelle le dessinateur met sa main au services de l’imagination du monde pour en exprimer la part ténébreuse que la Création elle-même n’a pas exprimé dans la « nature naturée » : l’artiste achève la création. Panthéisme impur ? Peut-être, mais « là où règne le panthéisme pur, il n’y a pas de place pour les arts plastiques en tant que mode d’expression », rappelle Hegel dans son Esthétique. » (p. 129) Il faut lire à Hegel 💭💭

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