Marcel Duchamp - Duchamp du signe


Marcel Duchamp
Duchamp du signe
Flammarion, 1975

Je dois avouer que j’ai sauté une bonne moitié de ce livre. Le premier chapitre est formé par des notes très détaillées pour la construction de certaines de ses œuvres (la Boite, La mariée…) : notes écrites-griffonnées et petits dessins et schémas.

Je passe directement à M.D., Criticavit  qui réunit entretiens, réflexions, critiques, etc.
Je rapporte chaque nom de chapitre avec ses notes.

Propos (en anglais recueillis par James Johnson Sweeney in The Museum of Modern Art Bulletin, vol. XIII, n° 4-5, New York, 1946, pp. 19-21)
« Je voulais m’éloigner de l’acte physique de la peinture. J’étais nettement plus intéressé à recréer des idées dans la peinture. Pour moi le titre était très important. Je m’attachais à mettre la peinture au service de mes objectifs, et à m’éloigner de la « physicalité » de la peinture. Pour moi Courbet avait introduit l’accent mis sur le côté physique au XIXe siècle. Je m’intéressais aux idées – et pas simplement aux produits visuels. Je voulais remettre la peinture au service de l’esprit. Et ma peinture fut, bien entendu, immédiatement considérée comme « intellectuelle », « littéraire ». » (p. 188)« Voilà la direction que doit prendre l’art : l’expression intellectuelle, plutôt que l’expression animale. J’en ai assez de l’expression « bête comme un peintre ». » (p. 191)
Voilà, tout le contraire de Dubuffet. Duchamp est le père de l’art conceptuel-contemporain. On vient de fêter 100 de son urinoir qui a engendré moult tas de terre dans des musées…
Par contre, dans ce même livre, dans le sous-chapitre nommé « Le processus créatif [1]», l’intellectualisation change un peu (c’est une dizaine d’années plus tard):
« Selon toutes les [sic] apparences, l’artiste agit à la façon d’un être médiumnique qui, du labyrinthe par-delà le temps et l’espace, cherche son chemin vers une clairière.Si donc nous accordons les attributs d’un médium à l’artiste, nous devons alors lui refuser la faculté d’être pleinement conscient, sur le plan esthétique, de ce qu’il fait ou pourquoi il le fait – toutes ses décisions dans l’exécution artistique de l’œuvre  restent dans le domaine de l’intuition et ne peuvent être traduites en une self-analyse, parlée ou écrite ou même pensée.T. S. Eliot, dans son essai Tradition and [the] Individual Talent, écrit : « L’artiste sera d’autant plus parfait que seront plus complètement séparés en lui l’homme qui souffre et l’esprit qui crée ; et d’autant plus parfaitement que l’esprit digérera et transmuera les passions qui sont son élément. ». » (p. 205)
 « Je sais que cette vue n’aura pas l’approbation de nombreux artistes qui refusent ce rôle médiumnique et insistent sur la validité de leur pleine conscience pendant l’acte de création – et cependant l’histoire de l’art, à maintes reprises, a basé les vertus d’une œuvre  sur des considérations complètement indépendantes des explications rationnelles de l’artiste. » (p. 206)
 « Pendant l’acte de création, l’artiste va de l’intention à la réalisation en passant par une chaine de réactions totalement subjectives. Sa lutte vers la réalisation est une série d’efforts, de douleurs, de satisfactions, de refus, de décisions qui ne peuvent ni ne doivent être pleinement conscients, du moins sur le plan esthétiqueLe résultat de cette lutte est une différence entre l’intention et sa réalisation, différence dont l’artiste n’est nullement conscient.En fait, un chainon manque à la chaine des réactions qui accompagnent l’acte de création ; cette coupure qui représente l’impossibilité pour l’artiste d’exprimer complètement son intention, cette différence entre ce qu’il avait projeté de réaliser et ce qu’il a réalisé est le « coefficient d’art » personnel contenu dans l’œuvre.
En d’autres termes, le « coefficient d’art » personnel est comme une relation arithmétique entre « ce qui est inexprimé mais était projeté » et « ce qui est exprimé inintentionnellement ».» (pp. 206-207)
Voilà, Marcel confirme ce que j’affirme J  Et oui, ce n’est pas un coefficient intellectuel, c’est un « coefficient d’art ».

Ah, oui : « Pour éviter tout malentendu, nous devons répéter que ce  « coefficient d’art » est une expression personnelle « d’art à l’état brut » qui doit être « raffiné » par le spectateur, tout comme la mélasse et le sucre pur. » (p. 207) Le « coefficient d’art » est la création. Pardon, Création (avec majuscule, ne pas confondre avec créativité). Le mot n’est pas si mal choisi – justement à cause de « coefficient »  qui peut être utilisé tant que pour l’intellectuel, tant pour l’artistique… Bon, l’intelligence on la mesure avec un « quotient », mais ce sont des synonymes.  













[1] Texte anglais original in Art News, vol. 56, n° 4, New York, été 1957, pp. 28-29)

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