Je viens de trouver une théorie institutionnelle de l'art! Ce n'est pas de l'analyse institutionnelle telle qu'a été théorisée par Lourau ou Hess, mais c'est une théorie. Je me demande si personne a fait un rapprochement entre les deux…

Howard Becker dans son Les mondes de l'art parle d'une "théorie esthétique institutionnelle". "La théorie institutionnelle vise à résoudre les problèmes soulevés par les oeuvres qui offensent le sens commun aussi bien que les sensibilités raffinées, en ne laissant apparaître aucune trace de l'intervention de l'artiste, ni dans leur conception ni dans leur réalisation matérielle. Les tenants de la théorie institutionnelle s'intéressent à des oeuvres comme l'urinoir ou la pelle à neige exposés par Marcel Duchamp (ill. 16), qui ne devaient apparemment qu'à la signature de Duchamp de passer pour de l'art, ou les caisses de Brillo exposées par Andy Warhol (ill. 17)" (Becker, p. 161)

Ce que je comprends ce que cette 'institution esthétique" est en fait une sorte d'institution fantôme qui valide un travail qui ne serait pas considéré comme art en dehors de ce cadre. Donc c'est une sorte d'institution dans l'institution et qui ne s'applique qu'à l'art contemporain (AC, sigles données par Aude de Kerros et qui sont désignent le financial art, l'art de la spéculation en même temps).

Pourquoi institution dans l'institution? Parce que le monde de l'art fonctionne selon des règles et est un dispositif très précis où il y a une hiérarchie et qu'il faut déranger. L'étonnant c'est que le système esthétique selon lequel on peut juger une oeuvre d'art, depuis l'avènement de l'AC, fonctionne un peu à contresens de ce que dit la théorie de l'analyse institutionnelle: l'instituant est la norme. Les grands moments instituants de l'histoire de l'art moderne: l'impressionnisme, le cubisme, l'art abstrait, l'art conceptuel, etc. Des ismes qui ont marqué des ruptures avec ce qui était établi (impressionnisme avec classicisme, art conceptuel avec l'expressionnisme, etc) mais que maintenant la rupture ne se donne plus - on dirait que c'est la perturbation qui est la norme.

L'art contemporain compte dans son répertoire des performances et happenings (qui sont plus du domaine des arts vivants: théâtre, danse, cirque, spectacle),  des approches à la science,  (les lapins fluorescents de Eduardo Kac  → biogénétique, un nuage artificiel  dans une galerie (je ne me rappelle plus le nom)) - on est un peu loin du tableau qu'on savait que c'était un tableau. Un urinoir est un urinoir au moins qu'il soit institué/consacré en tant qu'oeuvre d'art.

L'urinoir de Duchamp a 100 ans déjà et il est toujours bien institutionnalisé. Il n'est pas la norme (les artistes ne font plus ou très peu du ready-made) mais il est ce que permet que tout soit permis.

C'est difficile de relier l'AI à la théorie esthétique institutionnelle, parce que c'est un terrain des plus glissants: on essaie de dire ce que c'est de l'art et ce que ne l'est pas. Mais c'est plus facile de lier l'AI à l'institution qui valide… Le musée à dit que c'est de l'art, alors… tout est permis.

De ce fait la question se pose, quel instituant pour le monde de l'art?

J'ai l'impression que toutes les limites ont été surpassées - on n'a pas encore eu de l'assassinat qui passe pour une oeuvre d'art mais presque. L'actionnisme viennois des années soixante a travaillé sur la mutilation - pendant les performances que faisaient ces artistes. On a eu des chevaux dans des galeries d'art (Kounellis). Beuys a vécu avec un coyote pendant trois jours et a expliqué l'art à un lapin mort. Abramovich a passé du temps sur un pile d'os de vache frais et c'est laissée martyriser par son public. Quelqu'un c'est coupé un doigt. Une c'est masturbée la nuit de vernissage devant le public présent (et sa mère!). Beaucoup exposent des tas de choses et très souvent de la poubelle (il y a eu un scandale à ce sujet récemment: une femme de ménage à jeté "l'oeuvre d'art" à la poubelle). Etc. Etc. Etc.

Donc, quel type d'instituant pour ça? Une dictature qui interdise ce type d'art et le retour au 18ème siècle?  Non.

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