Plus libre. J’ai bouclé quelques travaux et je recommence le voyage.
Je me suis donnée aussi le temps de finir la relecture du Ecuador et de faire quelques recherches sur l’histoire de cette traversée. Michaux c’est embarqué avec Alfredo Gangotena, poète équatorien qui vécut à Paris et a écrit dans les deux langues, en français et en espagnol. Pas de pourquoi. Je suppose qu’il s’agit d’une invitation à l’aventure telle quelle décrite dans la séquence  sur le back-packing[1]… prise de risques, recherche de la liberté, etc… En s’agissant de poètes, le voyage prend une autre dimension aussi : de découverte de soi.
En faisant mes recherches je tombe sur[2] :
« Henri Michaux pose un problème car, s’il fait partie du Panthéon culturel du XXème siècle, il est permis de se demander où réside l’intérêt de son œuvre. Ecuador n’échappe pas à ce constat, c’est un ramassis de fragments difficilement reliables, un livre décousu, qui opère par petites touches, d’une façon impressionniste, l’ouvrage s’anime un peu aux 2/3, un peu seulement, avec le voyage en canot sur le rio Napo, cependant si l’on compare avec les récits d’autres voyageurs dans les mêmes lieux (l’Equateur, Quito, la Cordillère des Andes, les 1.400 km du rio Napo, etc), nous avons bien peu à manger. »
« Ce que Michaux nous donne à lire, c’est un mélange de quête existentialiste et de mysticisme de pacotille façon Guide du Routard. Ses réflexions, remarques et commentaires sont d’une incroyable platitude, ses poèmes tant chantés sont vides. Tout est vu au travers d’un hublot enfumé et des délires d’un preneur d’Ether. Michaux sera célèbre pour l’usage de la drogue qu’il utilisa dans son travail d’écrivain et de peintre, souvent, comme manière de légitimer cette pratique, en collaboration avec les laboratoires Sandoz. »
« Michaux fut comme le joueur de flute de Hamelin, avec son pipeau qui sonne faux, il entraîna derrière lui toute une génération décervelée, sans but, sans ambitions, sans foi, tout juste capable de consommer du vécu pré conditionné. Heureusement Michaux nous a laissé quelques carnets de voyages imaginaires, qui font la joie des adolescents. Heureusement Michaux ferme la porte de son « Ecuador » par une réflexion sur l’hospitalité des Equatoriens, et le bonheur qui peut se trouver dans le don. »
Une citation trop longue mais qui mérite explication. C’est une critique faite par un patriote. Évidement, c’est difficile de voir son pays jugé, mal vécu, mal reçu, un temps égaré quelque part…  Mais il faut comprendre le voyageur aussi qui, souvent, a du mal à gérer la politesse et l’amabilité envers l’hôte. On a le droit de ne pas aimer. J’ai refait ce voyage avec Michaux pas seulement à cause du parallélisme avec 90 ans de différence, c’était pour comparer aussi. Qu’est-ce qu’à changé entre temps ? Qu’est-ce qu’est immuable, inamovible de la culture équatorienne ? L’hospitalité ? Il y en a. Chez des amis. Mais l’étranger est toujours un « gringo » plein de sous et il faut lui faire payer plus. Les préparatifs de voyage de Michaux qui on duré des semaines…
Une résolution une fois exprimée en paroles devant témoins, beaucoup de Français se sentent obligés d’agir suivant le dit.
L’Equatorien n’est point ainsi. Il a dit demain, eh bien ce sera après demain ; vous l’attendez le surlendemain ; ah, non, fini, plutôt autre chose, ou plus rien du tout, il a changé d’idée.
Il ne met pas de la parole à part dans le solennel.[3]
Ils ont un nom pour ça : l’heure équatorienne. Oui, pas de changement de ce côté.
Puis, Michaux entreprend un voyage très difficile à travers l’Amazonie, le fameux-infâme Oriente. La gloire de Manaos avec  son Opéra, ses dames qui utilisaient des culotes apportées de Paris est finie depuis longtemps. Le « village » Napo est une ville importante. Les « jivaros », les shuars[4] portent costume-cravate-plumes-et-peinture-au-visage et arrivent à des postes de préfets. Il y a même des mariages mixtes ! Le shuar de Macas porte le itip[5] traditionnel les jours de fête. Mais il y a encore des peuples non contactés[6] qui sortent de temps en temps et tuent des gens à coups de lance… Les chemins sont toujours durs et le fait s’ouvrir chemin à coups de machette et aller en pirogue pendant des heures existe toujours. Mais, j’aime l’Amazonie ! La même Amazonie avec des chauve-souris qui squattent le plafond, des araignées gigantesques et poilues,  des insectes mortels, des serpents un peu partout. Mais, maintenant on a des vaccins contre la fièvre jaune, le paludisme est traité et, en plus, tous ces monstres de la jungle qui cohabitent avec les humains dans les villes sont accompagnés des plus belles plantes et oiseaux. Il n’y a pas de pigeons à Macas ! il y a des oiseaux jaunes, d’autres bleus et on respire cet air lourd et humide !
Mon premier voyage à Macas. C’était en bus et à duré bien plus de 12 heures. Le pont qui traverse maintenant le fleuve Pastaza (d’un kilomètre au moins de large) et qui est l’un des plus moderne de l’Amérique du Sud, n’existait pas. A sa place, une passerelle en bois (avec des bois manquants) qui ne supportait pas le poids d’un bus, juste des petites voitures et des piétons. Alors, le bus nous laisse devant cet endroit vers une heure du matin et on doit faire le passage à pied pour joindre un autre bus de l’autre côté. Pas d’indiens qui porteraient les bagages, ce sont des voitures-passeurs qui prennent valises, vieux, enfants et femmes enceintes. Les autres… allez ! Faites attention de ne pas tomber à l’eau. La nature est partout, tout chante, grouille, fait des bruits, émet des cris, il y a des conversations sauvages et le pauvre occidental est écrasé par cette beauté. « Ecuador » n’existe plus. C’est tellement plus loin de tout ce qu’on connaît ![7]
Cette remémoration plaisante veut dire que le voyage physique s’arrête là. Je laisse Ecuador  pour arriver au « miracle ». Oui, relecture de ce livre aussi, avec quelques années de distance. Et, aussi, c’est sur le voyage le plus important qu’on doit tous faire : à l’intérieur de soi-même. Je ne sais plus quel philosophe a dit « connais-toi  toi-même », mais je veux faire une introspection dans le monde de la création. Pour quoi ? Je suis artiste et maintenant, après avoir bouclé plusieurs devoirs de ce M1, je retourne à l’atelier. Je change un peu de manière de penser,  d’agir. Je sors du « cogiter » et du « meditare » pour aller sur des terres internes. Celles de l’indicible. Même Michaux a mis plein de dessins dans son « Misérable miracle » !






[1] J’ai une idée de recherche là-dessus, mais pas maintenant : il faut sortir de l’Ecuador !
[3] Michaux, p. 125
[4] « jivaro » est péjoratif et il vaut mieux ne pas l’utiliser.
[5] jupe
[6] Tagaeri, Taromerani des groupes Huaorani qui affrontent d’autres dangers : l’extinction. http://etniasynacionalidadesecuador.blogspot.com/2013/10/pueblos-no-contactados.html 
[7] C’est quand même un souvenir, ce qui lui donne une partie d’irréalité… Les infos du jour : dans mon paradis, celui de ma mémoire il y a état d’exception. Graves confrontations entre groupes indigènes et forces armées. Le capitalisme, le pétrole nous mange à tous… Nous aliène et nous fait disparaître.  http://www.eluniverso.com/noticias/2017/01/12/nota/5993599/rafael-correa-extendio-mes-decreto-excepcion-morona-santiago?utm_source=fb-tw-gp&utm_medium=social

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