La psychanalyse et moi

La question de Mr. Lesourd "êtes-vous intéressée par la psychanalyse?" M'a réjoui et m'a inquiétée un peu. Je raconterais l'histoire qui m'a querellée avec la psychanalyse. Et ma relation en général avec Madame. On se connaît depuis mon adolescence, à l'époque ou ma mère a operé un tournant dans sa vie changeant journalisme pour psychanalyse et en fondant la première (et la seule il me semble) revue de culture psychanalytique "Reverberatii" (réverbérations). J'avais lu des choses et j'ai vais l'impression que je savais des trucs... Vingt ans plus tard (moins, mais ça sonne bien, comme chez Dumas père), je reprends mes études en psychologie et en L2, lors de mon premier mini-mémoire en clinique, je me suis dit "enfin! Je pourrais faire ce que m'intéresse! Bonjour, psychanalyse, tu m'as manquée!" Ça a été un désastre en terme de notation suivi par une sorte de haine développée envers cette discipline. De l'amour à la haine. Je dis tout le temps que mon retour vers les études est du au mon désir de comprendre la création, ma création surtout, mais, en vérité, je pense que je me sentais tout simplement stupide... Ce sentiment de produire de l'œuvre comme un animal, sans comprendre ce que l'on fait. Pour dire, ma peinture qui cache toujours des figures humaines a évolué: mes "humains" que j'ai fait cette semaine ont des têtes! C'est un changement qui m'a frappé et que j'ai noté immédiatement: suis-je un être plus réfléchissant? Ça, c'est l'évolution et je suis étonnée.

En parlant d'évolution et être un peu moins stupide qu'avant, je retourne vers mes moutons psychanalytiques. Je revois maintenant ce travail maladroit réalisé il y a trois ans, le fameux PT nommé "Le rôle du traumatisme dans la création". C'est assez honteux le relire (je peux assurer que j'écris mieux maintenant), mais, de toute façon, je dois faire une analyse avec du recul. Les lectures réalisées et certaines idées méritent d'être sauvegardées. Même si j'éliminerais complètement les notions de "traumatisme", "traumatique" et "trauma" auxquelles je n'avais rien compris à l'époque. Il s'agit tout simplement de l'expérience et du vécu. 
Je me cite:
"Le mythe de l'artiste tourmenté et torturé par ses démons, qui parvient à des occasions à exposer de telle manière la souffrance qu'il arrive à la transmettre au spectateur et la faire (re)sentir,semblerait être le prototype même du sujet traumatisé" (??? Pourquoi prototype? Mais, maintenant je découvre Dilthey et je trouve dans le cours "une résonance en moi de la réaction d'un autre", la sympathie.." 
Puis, la stupide question de départ: "Les caractéristiques de l'œuvre d'art plastique peuvent-elles corroborer l'hypothèse que la répétition du traumatisme et sa représentation sont-ils des facteurs indispensables dans le processus créatif?" Le vécu, pas seulement le traumatique. Et il semble que je prétendais analyser l'auteur à travers son oeuvre, une sorte de pathographie? Cette idée, je ne l'élimine pas complètement: oui, en regardant l'œuvre on peut se rendre compte un peu de la personne qui l'a fait (je pense à Bacon, Kiki Smith, Louise Bourgeois, Stornaiolo). Même ma peinture me décrit pas mal: violence et désordre que je controle dans la vie de tous les jours (c'est l'être social qui disparait devant la toile)...
Aussi, il y a Lowenfeld qui a écrit un très intéressant article "Traumatisme psychique et expérience créatrice" (on dit que c'est sur Louise Bourgeois, mais c'est une légende peut-être) où il parle d'une certaine "traumatophilie", recherche du trauma en vue de la création, aussi d'une "faculté supérieure à la normale d'accéder à l'inconscient" des artistes et une plus grande sensibilité psychique. J'aimerais bien croire cela. 
Ensuite, la répétition "une des forces qui poussent à la sublimation". Répéter le vécu sur toile? Ou comme le dit Freud "tendance irresistible à la reproduction, à la répétitition, tendance qui s'affirme sans tenir compte du principe de plaisir en se mettant au-dessus de lui". Freud, à relire aussi "Une névrose démoniaque au XVII siècle", bel et bizarre essai sur un peintre... 
Anzieu, un auteur majeur (selon moi) qui a traité beacoup l'art, la création et des artistes fait un parallèle entre mort/crise et un décollage créatif.  Il décrit et analyse même l'acte créatif en étapes, le "saisissement" étant de la création pure et inconsciente. Est-ce cela que m'intéresse ou ce que va avant et après? Construire des "données qui ne sont pas symbolisées au départ" (Anzieu, Psychanalyse du génie créateur). Comment s'opère cette symbolisation? Qu'est-ce que c'est que nourrit l'œuvre? Le vécu? Traumatique ou pas, même si le traumatique aurait plus d'impact...
Méthodologie.  La question que j'avais posé sur le forum à Mr. Lesourd n'est pas anodine. Je pense que le choix de la méthodologie et de la structuration du mémoire peut être assez décisif au moment de cerner bien la question. Je ne veux pas faire de l'hypothético-déductif, mais il faut avoir une idée très claire avant de commencer à élaborer, à étudier un cas (ou plusieurs), à faire des entretiens, etc. Dans mon essai-raté-de-mini-mémoire j'avais choisi l'étude cas et comme sujet j'avais pris l'artiste américaine Kiki Smith. J'aime beaucoup son oeuvre et je ne peux pas éviter de penser qu'elle tente de raconter et en même temps faire face à son vécu. Ellle raconte son histoire, son expérience. Elle gère à travers son oeuvre. Et souvent d'une façon très directe, frappante. Tout est en relation au corps (anatomie, fluides corporels, entrailles sortant des corps suspendus) et à la mort (vie-mort, mort-vie...) Enfin, c'est choquant quand on le verbalise, mais il y a une dimension estétique qui... d'un côté peut rendre le contenu plus fort (genre, j'écris le mot "merde", mais c'est plus fort voir la figure d'une femme rampant à quatre pattes avec un long et sinueux truc lui sortant par derrière et s'étalant dans toute la salle...) ou, de l'autre côté, ce contenu dégoûtant en essence se symbolise et peut prendre d'autres significations... Berlinde de Bruyckere est une autre artiste traite avec une sorte de réel monstrueux...  Alors, ces artistes qui nous offrent ce genre d'œuvre choquante (ou au contraire, le cachent, mais on perçoit une sorte de nérviosité (dans le trait) ou d'inconfort, d'être mal à l'aise, mal dans sa peau) dans son contenu et dans sa forme: ont-ils un vécu duquel ils (elles surtout, maintenant je me rends compte) veulent se débarrasser en le rendant visible? C'es ça la question? De l'indicible. Et du vécu.

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