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Écrit jeudi 8 mars 2018
Que serait de Frida sans Diego ?
Question stupide à priori. Injuste aussi. Mais… voilà, c’est
le huit-mars, tout est inondé de femmes-femmes-droits-etc. Ma fille (15 ans)
doit se prendre une photo style Frida et elle commence « ah, son mari, il était
un maudit, il la maltraitait, la trompait, etc. » En même temps j’apprends sur
une expo prévue au Centre Pompidou-Metz nommée « Couples modernes »[1]
laquelle la revue Beaux-arts magasine présente comme l’expo des « femmes de »[2]
et « créatrices
cachées derrière le mythe de la muse ».[3] C’est vrai, c’est correct,
mais malgré cette injustice sociale il y a un apprentissage sûr. Frida a connu
à Diego Rivera quand il était déjà un grand maitre de l’art mexicain. Il y a
eu, admiration, identification, amour, etc. et à la fin, peut-être tout ça
s’est emmêlé. Puis, il y a aussi l’histoire personnelle de Frida qui est
traumatique au sens strict du terme. Et au-delà.
Finalement
c’est une histoire de vie très complexe qui a fait que Frida Kahlo a produit
l’œuvre qu’elle a produite. Sa relation
tourmentée avec son « maitre-amant » a beaucoup contribué aussi. Évidemment,
l’apprentissage passe de meilleure manière s’il n’y a pas de sexe interposé
entre les deux acteurs et puis l’institution du mariage qui vient avec tous ses
enjeux de pouvoir… Je pense que ça devrait être valable pour la grande majorité
de couples d’artistes : à cause de l’histoire il y a toujours eu « la
femme de », même si la situation peut être à l’inverse… L’anecdote perso :
lors d’une expo de femmes on a été invitées à un cocktail à l’ambassade. Bon,
pour faire court, quand c’est mon mari qui reçoit des invitations comme ça,
c’est écrit : « M. NN et madame ». Nous, c’était juste « Madame »,
pas de « et monsieur » à l’horizon.
Cette
histoire c’est pour illustrer le chapitre sur les histoires de vie.
Si
l’on reste dans la construction-formation d’un soi créateur ici, il s’agit des
deux types d’expérience : « au
sens du pragmatisme anglo-saxon, qui fonctionne sur le paradigme de l’expérimentation
scientifique, et l’expérience du point de vue herméneutique, qui relève d’une
quête du sens » (Fabre, 1994, p. 153 in Lesourd, p. 12). Ce n’est pas
seulement la « … recherche et
construction de sens à partir de faits temporels personnels » (Pineau, Le
Grand 1993, p. 3 in Lesourd, p. 8) et la « … construction temporelle d’une identité. » (Lesourd, p. 8), il
s’agit aussi d’une histoire impossible à narrer. Ce non-verbal est très
important pour moi, car aussi peintre. Si je pense à Frida, je me dis que
verbaliser ses souffrances aurait été chose impossible… Qu’est-ce qu’on voit
surtout dans son œuvre ? À elle-même. Ça fait sens parce qu’elle devait (sur) vivre
avec soi-même. Comme ça :
Oui, une image vaut mille mots…
Puis, comment raconter cela ?
Chaque
histoire est unique et les manières de les raconter aussi. Je ne dirais pas que
les tableaux de Frida soient littérairement narratifs, je dirais plutôt qu’ils
contiennent une histoire et une vie (ou un moment de cette vie). Dans ce cas
aussi le tableau, l’image représentée sont moins directs qu’un récit linéaire. Dans
quel sens ? Tout et là ! Cru et frappe la rétine. Bouleverse. Mais c’est
plus universel en même temps. L’histoire narrée ou écrite serait ainsi: « Moi,
F., j’ai eu un accident, j’ai souffert, je souffre, etc. ». La narration
n’appartient qu’à cette personne. Le premier tableau que j’ai mis me fait
penser à mes propres douleurs au dos liées à cette écriture qui se fait assise
devant l’ordinateur. Le deuxième n’est plus un avortement, c’est une
césarienne…
Bon,
j’ai lié fortement l’histoire de vie à des événements marquants, et même si
dans le cas de Frida il y a bel et bien des événements traumatiques le
quotidien était de la douleur. Et « l’expérience
quotidienne suggère une construction des durées personnelles à travers des
médiations non verbales, non narratives. » (Lesourd, p. 21) Ici, dans
le tableau le temps a été arrêté (pour elle) et il reprend le rythme de quelqu’un
d’autre à chaque nouveau regard. Construction qui continue à se faire atemporellement.
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