......
Au vu que je suis entré dans la question du traumatisme, je
dois revenir en arrière, vers ma première approche à la recherche. C’était en
L2 psychologie et le résultat a été catastrophique : 5/20. Mais ça a posé,
d’une certaine manière les bases de mon travail actuel.
Pour ce projet tutoré j’ai posé la question suivante : « Les
caractéristiques de l’œuvre d’art plastique peuvent-elles corroborer
l’hypothèse que la répétition du traumatisme et sa représentation sont-ils des
facteurs indispensables dans le processus créatif ? ». Du coup je
prétendais faire une pathographie, une analyse de l’œuvre du point de vue formel qui pourrait donner
des indices sur son auteur. Je crois toujours que le tableau, le dessin, la
sculpture… mieux dit la facture de l’œuvre
d’art reflète la personnalité de l’auteur. Mais c’est la personnalité
cachée quand même ! Des exemples. Quand on regarde l’œuvre de Francis Bacon, on sent que derrière il y a
un sujet profondément tourmenté, on le pense en tout cas, même si en apparence,
c’est un bonhomme, un monsieur rondelet et sympathique. Je m’imagine a Ionesco
avec une tête à Cioran, par exemple. On pense voir à Anselm Kieffer comme un
type complètement cinglé et qui porte le poids de ses œuvres sur ses
épaules : c’est un homme énergique, sérieux et souriant. En restant avec
Bacon et Kieffer, je crois vraiment que leurs œuvres sont le reflet de leur
vécu, de leur expériences de vie, de leur choses les plus intimes et des fois,
même inconscientes.
Ainsi, ma question maintenant me semble mal posée. Elle est
double. Soit je parle du fait que les caractéristiques de l’œuvre peuvent corroborer quelque chose, soit
j’affirme que la répétition du traumatisme et sa représentation sont-ils des
facteurs indispensables dans le processus créatif. Pour la première, je ne sais
pas s’il y un moyen de corroborer quoique ce soit et en plus c’est le hobby des
critiques et théoriciens de l’art qui passent leur temps à faire des liens
entre l’histoire de l’artiste et son œuvre
(les artistes aident). Et c’est bien. Pour la deuxième… il n’y a rien de
nouveau : c’est une théorie déjà travaillée.
Je vais quand même recopier ce travail ici parce qu’il est
très lié à cette idée de crise/rupture qui mérite être développée dans mon
mémoire (en tant qu’un des facteurs qui jouent un rôle dans le processus
créatif, de soi et de l’œuvre[1]).
Première remarque : dommage qu’en psychologie la
recherche se fasse d’une manière si rigide. Je comprends pourquoi, mais dans
mon cas, je dois pouvoir dire « je » et de me baser sur ma propre
expérience qui est riche. Le « nous »… nous qui ? Enfin…
« …there
is a spiritual power in repetition, a devotional quality, like saying rosaries»[2]
Présupposés de la question de départ
« Traumatisme »
(blessure, en grec ancien) est un terme apparu d’abord dans la médecine et fut
importé plus tard dans le domaine de la pathologie mentale pour désigner les
blessures psychiques. La définition première du traumatisme renvoie à sa racine
repérable dans le temps, l’existence d’un événement déclenchant, « sans cet événement, le trouble ne serait pas
apparu ». [3] Le
traumatisme désigne une effraction du psychisme, une rencontre avec la mort et
son réel. Un événement extérieur qui produit une grave perturbation dans
l’économie énergétique de l’organisme (Freud, Au-delà du principe de plaisir,
1920, p. 28). Cet événement extérieur qui peut aussi bien être des
excitations internes ou une accumulation de traumas partiels qui prennent force
par addition. Quelle que ce soit l’origine ou la forme du traumatisme, interne
ou externe, une perturbation psychique semble apparaître sur un terrain
fragile, vulnérable. Or, les artistes et les créateurs en général semblent
disposer d’une « faculté supérieure à la
normale d’accéder à l’inconscient »[4]
et une plus grande sensibilité psychique. Serait cette même sensibilité qui
pousse le créateur à la recherche du trauma ou des situations pénibles ? Cette
question pourrait-elle être développée selon la prémisse de J. Laplanche où il
affirme sans la moindre des doutes que l’énergie et les forces qui stimulent à
la sublimation « naissent du
traumatisme,… incitent à renouveler le traumatisme en une sorte de cercle
vicieux »[5] ?
Etat de la question
I.
Trauma ou traumatisme ?
Comme terme générique, le concept de
traumatisme nous fait penser immédiatement aux événements externes, aux impacts
physiques et aux chocs qui perturbent profondément le fonctionnement psychique
et qui conduit le sujet vers divers troubles psychiques. En psychanalyse par
contre, c’est une notion assez ambiguë et changeante selon auteur et époque.
Freud, a traité le sujet tout au long de son œuvre et on peut distinguer trois
étapes distinctes : jusqu’à 1920 où il s’agissait d’un événement passé,
d’ordre sexuel (séduction) ; à partir de 1920 sa théorie sur le traumatisme est
liée à une anomalie du pare-excitation[6]
et finalement, vers la fin il conçoit le traumatisme en lien avec le
narcissisme, mieux dit, une blessure narcissique. Pour Sandor Ferenczi,
disciple de Freud, le traumatisme reprend à peu près la conception initiale de
Freud, mais la séduction première évolue en une « confusion de langues »,
confusion entre la tendresse de l’enfant et la passion de l’adulte.
L’utilisation de ces deux termes « trauma »
et « traumatisme » semblent être utilisés dans la littérature de spécialité
presque comme des synonymes. Des définitions plus exactes et surtout la
distinction entre « traumatisme » et « trauma » sont données par Th. Bokanowski[7].
Le trauma, selon cet auteur, désignerait une « action négative et désorganisatrice », tandis que le traumatisme[8]
qui a un sens plus générique peut avoir aussi une fonction organisatrice et
structurante. C’est la facette du traumatisme qui « désignerait… les effets représentables, figurables et
symbolisables de l’effet traumatique »[9].
Justement c’est ce côté structurant et positif qui a une liaison avec la
création et le terme « traumatisme » semble le plus adéquat.
II.
Compulsion de répétition.
La propension à la répétition est souvent
considérée une fonction utile qui peut conduire le traumatisme vers une
résolution et une meilleure liquidation (Ferenczi, p. 37-38). Le
traumatisme et la compulsion de répétition qui est pathognomonique ont été déjà
reliés à la création artistique et considérée des forces qui poussent à la
sublimation. Cette résolution à travers le trauma et sa répétition sont une
tentative de métabolisation[10]
du matériel mnésique et sa transformation en œuvre (Masson, C., 2001).
Métaboliser ou aussi maitriser cette « forte impression au lieu de la subir »
(Freud, 1920, p.28) et l’enfant dans son interminable jeu du « fort-da » assure
ce contrôle. Le contrôle des ces expériences singulières n’est-il finalement
qu’une impression, une fausse maitrise, car la répétition est naturelle et elle
ferait partie du cycle de la vie et de périodicité dans les fonctionnements
vitaux.
La « tendance irrésistible à la reproduction,
à la répétition, tendance qui s’affirme sans tenir compte du principe de
plaisir en se mettant au-dessus de lui » (Freud, Au-delà du principe du
plaisir, 1920, p.21) est presque une question « démoniaque »[11],
une possession qui trouve la jouissance dans la pulsion de mort. Le traumatisme
est défini comme une rencontre avec le réel de la mort, en tant que réalité
inévitable ou une forme de renaitre. Cette antithèse vie-mort, de la vie qui
émerge de la mort, la mort devenant en définitive une crise qui ouvre des
nouvelles voies. Anzieu, parvient à faire une parallèle entre la mort/crise et
un « décollage » créatif chez Freud[12].
En effet, les poussées créatrices de Freud, ont été toutes liées sous une forme
ou autre à la mort. La mort en répétition ? Un premier épisode est la crise
cardiaque du 1894 qui lui fait penser à la réelle possibilité de sa propre mort
d’où l’urgence de continuer le travail sur la psychanalyse. Le deuxième
événement est la mort de son père de laquelle ensuit « Die Traumdeutung » et
finalement la crise d’entrée dans la vieillesse, la mort devenant réelle et
prochaine. La cyclicité des crises et des élans créatifs, Didier Anzieu les
nomme « travail de rêve, travail de
deuil, travail de création » (p.18). L’analogie entre rêve et création
n’est pas déplacée, le travail de l’artiste, le faire-œuvre plus exactement est
souvent comparé au rêve. Le traumatisme fait régression à travers des rêves et
des cauchemars comme un revécu de l’événement traumatisant. Dans le cas de
l’artiste, du créateur qui fait preuve d’un « don artistique psychologiquement si mystérieux, il peut, au lieu de
symptômes transformer ses rêves en créations artistiques »[13] et métamorphoser le contenu latent en contenu
manifeste.
III.
Saisissement.
Quand on parle d’artiste ou créateur et de
cette capacité de transposer sur un support le vécu traumatique ou à allure
traumatisante, on parle surtout du génie créateur qui a la capacité de
construire des « données qui ne sont pas
symbolisées au départ » (Anzieu, Psychanalyse du génie créateur, 1974) et
non pas de l’art comme pratique thérapeutique. Il est important de souligner
ici la différence entre la créativité et création, la création n’étant
accessible qu’aux quelques individus faisant preuve d’un don. Or, le talent ou
don artistique n’est pas analysable ou mesurable (Freud, 1910). Une distinction
entre ces deux concepts peut être faite à partir des cinq phases du travail
créatif décrites par Didier Anzieu (Le corps de l’œuvre, 1981) et
particulièrement dans la troisième phase où se produit la rupture entre
créativité et création par une organisation des données initialement non
symbolisées (Dosnon, O., 1996). La première phase du travail créatif est essentielle
et illustre d’une certaine manière les origines de la création. Il s’agit du « saisissement »
créateur. Le saisissement qui est
considéré traumatique per se à
cause de la régrédience liée à une crise interne. Cet éternel retour, vers le souvenir originaire, vers le trauma est
envisagé comme un mouvement recherché par l’artiste dans une sorte de
« traumatophilie » qui nourrit l’œuvre.
Hypothèse
Le
traumatisme et sa répétition seraient des éléments essentiels dans le processus
de la création artistique.
Méthodologie
I. Choix de la méthodologie
Dans
le cadre de cette recherche, il me semble que la méthodologie la plus adéquate
serait l’étude de cas, l’étude d’un cas unique pour être exact. L’étude de cas
peut être une manière de trouver des réponses à travers des fonctionnements
subjectifs et conflits intrapsychiques. Freud, en comparant le fonctionnement
de l’œuvre d’art aux rêves la juge susceptible d’être soumise à la même méthode
d’interprétation et aussi, selon R. Ghiglione : « toutes autres productions créatrices… peuvent être analysées et
utilisées comme des indices permettant d’étayer des observations voire des
interprétations »[14].
Quelles sont les raisons d’avoir choisi cette méthodologie en particulier ?
Mettre en place un dispositif de recherche standardisé avec recrutement des
artistes/créateurs et leur faire subir des entretiens, même libres et
non-directifs, ou des tests et des échelles[15]
(la perception de l’origine du travail créateur n’étant pas mesurable) me
semble peu réalisable et même inapproprié, car, comme disait
Brancusi l’artiste cache la
cuisine de son travail et pose en maitre. Une autre difficulté serait de
trouver un échantillon d’une taille suffisante dans une population déjà
réduite ; il est essentiel de pouvoir étudier des véritables créateurs. Aussi,
je doute fortement aussi qu’il ait des réponses
franches sur le sujet des origines du travail créatif, un artiste édifie
quand-même un mythe autour de sa personne et de son œuvre[16].
Hypothétiquement, la situation idéale qui
pourrait contribuer à percer un peu cette « arrière-cuisine » de la création
serait l’étude d’un cas clinique à l’exemple de H. Lowenfeld et J. McDougall
qui ont pu avoir certains éclaircissements sur leurs théories grâce à des patients-artistes.
Dans l’intimité d’une analyse, le travail réalisé est propice à une étude plus
approfondie des mécanismes psychiques
qui participent au faire-œuvre. Dans le cadre de ce projet, la recherche la
plus convenable et réalisable méthodologiquement serait l’analyse biographique
et du discours verbal/visuel (interview et analyse de l’œuvre) et l’artiste
Kiki Smith est prise comme référence pour tester mon hypothèse. Cette analyse
de discours ne se veut pas nécessairement une pathographie, mais, en
combinaison avec des éléments biographiques permettrait avoir des indices sur
les processus qui poussent cette artiste à faire œuvre et à faire ce genre
d’œuvre. Le choix du sujet d’étude est strictement subjectif, mais il me semble
tout à fait illustratif.
II.
Les difficultés de la méthodologie
choisie
La problématique principale de cette méthode
d’étude réside dans la subjectivité du chercheur. Le choix du sujet ainsi que
l’interprétation des données est d’une manière ou d’une autre influencé par son
vécu et sa sensibilité. L’étude de cas, même si elle présente plusieurs
avantages (être une bonne source d’hypothèses et un moyen de clarifier des
problèmes qui ne peuvent pas être étudiés d’autre manière) fait preuve aussi de
plusieurs inconvénients. Les difficultés
dans une étude cas peuvent être résumés en deux points : le sujet étudié
n’est pas toujours représentatif et typique[17]
et aussi il est difficile de décider quelle interprétation subjective est
meilleure. Pour des chercheurs qui s’appuient sur la théorie psychanalytique,
il est aussi essentiel d’avoir entrepris une cure personnelle.
III.
Le cas choisi : Kiki Smith
L’artiste plasticienne américaine Kiki Smith
est issue d’une famille d’artistes : son père était Tony Smith, célèbre
sculpteur minimaliste et sa mère chanteuse. Sa vie semble être marquée par la
mort et son enfance excédée en aidant son père à faire des maquettes : « he’d
make us divide twigs into different sizes of twigs … just endless,
endless, endless, endless twigs »[18].
Parmi d’autres éléments biographiques révélateurs au sujet, il est important de
souligner la « morbidité » (ces mots) familiale. Le fait de comparer sa famille
à la famille Adams, vivre dans une maison victorienne du 19èmme
siècle avec une dalle funéraire (marquée Smith) devant la maison et un crâne
humain dans sa chambre d’enfant ne sont peut-être pas des facteurs qui l’ont
guidée vers l’art qu’elle réalise, mais paraissent notables. Son travail
artistique qui a commencé avec une recherche des limites entre œuvre d’art et
objet utilitaire prend un tournant capital avec la mort de son père. Cette mort qui fut sa naissance en tant
qu’artiste marqua aussi le leitmotiv de son œuvre postérieure : le
corps, l’anatomie, les fluides corporels et la mort. La pièce définitoire
de son style fut une main en latex plongée dans une jarre et laissée se
putréfier et se remplir d’algues. L’objet, finalement semble une ode à la
vie-mort ou mort-vie : la putréfaction d’une forme humaine (même si c’est
du plastique) en contraste avec la vie microscopique développée entre temps.
Cette liaison entre son travail et la mort est soulignée assez souvent dans ses
propos et ses interviews : avoir peur d’aller à la maison, car quelqu’un
était mort, attendre la mort à chaque moment et que ses premières œuvres sur le
corps étaient intimement liées à la mort. La thématique et l’histoire
personnelle de cette artiste me font penser inévitablement aux décollages
créateurs de Freud (Anzieu, 1981) ou la mort devient un élément qui incite à
une poussée créatrice et à une sorte de (re) naissance. La mort et son réel
sont représentés visuellement, elle est présente, directement ou sous des
formes plus ambigües et subtiles. Les formes humaines recroquevillées,
pendues-suspendues, qui ont des entrailles dehors et qui reviennent sans cesse
sont d’une certaine manière des répétitions inconscientes d’un passé ou d’un
souvenir saillant.
Conclusion
Essayer de percer le mystère de la création
n’est pas une tâche simple, c’est plutôt du domaine de l’impossible. La
première difficulté rencontrée lors de l’élaboration de ce projet était
l’abondance de littérature ; en effet, beaucoup d’auteurs ont traité la
création en relation avec le traumatisme, en allant même jusqu’à avancer
l’hypothèse d’une certaine « traumatophilie », une recherche du trauma par
l’artiste et celle-ci serait un « moteur » pour la création. Prendre ce sujet
sous un aspect inédit semblerait impossible, mais ce n’est pas une raison de ne
pas le faire. Finalement, c’était une question de nuance et j’ai fini par me
demander tout simplement si un (ou des) événement traumatique ou à allure
traumatisante peut rendre une personne créative créateur ?[19]
Est le traumatisme essentiel ? Après des nombreuses lectures et des semaines
d’écriture et réécriture, je suis arrivée à la conclusion que j’ai une question
sans réponse. Il ne peut pas y avoir une réponse objective et quantifiable en
tout cas. Ce manque d’objectivité vient du fait de la non-mesurabilité de la
créativité et de la méthodologie que peut y être appliquée. Le manque
d’objectivité peut se voir aussi dans les références bibliographiques. Quand
Henry Lowenfeld (1977) affirme que « la
susceptibilité aux traumatismes, une propension marquée à l’identification, le
narcissisme et la bisexualité, constituent des phénomènes indissociables chez
l’artiste… se manifeste une
traumatophilie qui contraint l’artiste à aller au-devant du traumatisme, puis à
le surmonter[20], en une
répétition à l’infini »[21]
et aussi Catherine Desprats-Pequignot dans son article « Trauma à
répétition : un moteur pour la création » parle du « trauma (qui) peut devenir un outil de travail et un matériau de
construction dans la réalisation d’une œuvre »[22]
ils arrivent à affirmer leur hypothèse qu’en choisissant un seul sujet d’étude,
un cas unique, un artiste. La patiente de Lowenfeld a illustré parfaitement
cette thèse, ainsi que Roman Opalca et Tal Coat pour Desprats-Péquignot. Je
pense que mon cas défend partiellement la théorie de Catherine
Desprats-Pequignot, mais Kiki Smith qui reproduit et représente dans son œuvre un
certain souvenir traumatique ou qui peut être considéré comme tel n’est qu’un
autre cas singulier. Le problème c’est que pas tous les artistes (ou créateurs
en général) fonctionnent à travers ou à l’aide du traumatisme et, en tous cas,
on ne peut pas savoir cela. Les mécanismes du processus créatif sont encore
méconnus et différent d’un sujet à l’autre. Freud, déjà, dans sa tentative de « voir dans l’art une sorte de témoignage de
l’inconscient » dans sa « Gradiva » fut assez critiqué[23].
Ici, a été abordé qu’un aspect du
processus créatif, le traumatisme comme impulsion. Je n’ai pas touché la
notion de représentation (même si elle est essentielle dans le domaine des arts
plastiques) parce que elle m’envoie sur des nouvelles routes. Une
représentation visuelle sous forme d’œuvre peut prendre une forme cathartique,
une sorte d’abréaction et de libération des contenus psychiques et cela est la
voie de la thérapeutique, une forme de l’art-thérapie.
Finalement, après avoir étudié plusieurs auteurs et
analysé quelques artistes je pense qu’il peut avoir une seule conclusion
plausible. L’importance du traumatisme dans le processus créatif en général
reste questionnable, mais l’empreinte des images envahissantes, la reviviscence
et reproduction imagée des événements marquants peuvent être importants durant
le processus (créatif) primaire. Mais c’est le processus secondaire, la
deuxième étape, qui fait d’une peinture, d’une sculpture ou d’un conte une
œuvre d’art. Il s’agit des origines du talent et du don, un mystère qui n’a pas
encore été percé ni par la psychanalyse, ni par la psychologie cognitive, ni
par les neurosciences.
[1] je crois que je devrais travailler cette parallèle
entre ce qui est création d’une œuvre
(avec ses règles et tout) et son extrapolation vers la création d’une
personne. Je trouve l’exercice très difficile et je ne suis pas encore prête
pour ça
[2] « …la répétition a un pouvoir spirituel, une
capacité de dévotion, c’est comme prier le chapelet », (ma traduction),
Kiki Smith en « Family history &the history of objects », www.art21.org
[3] Ionesco, S., Blanchet, A., Psychologie clinique et psychopathologie, PUF, 2006, p. 129
[4] Lowenfeld, H., Traumatisme
psychique et expérience créatrice. Psychanalyse à l’université, 1977, 2.8,
pp.665-678
[5] Laplanche, J., La sublimacion, Problematicas III p.
210
[6]
Peut-on réguler ce pare-excitations ? Juste
en analysant ce mot, je pense que les excitations externes il faut aussi les
laisser passer. Peut-être c’est l’excès qui fait mal ? Je veux dire que
l’artiste doit s’alimenter de tout, doit pouvoir absorber tout et, souvent,
c’est dans l’excès que se trouve la mal nommée inspiration… Les neurones
doivent être excitées pour qu’elles fonctionnent, un enfant doit être stimulé
pour qu’il apprenne. Mais si la création est l’engendrement de quelque chose de
nouveau à partir de rien… Je reviens au rien, au vide. « Le vide vidé de
son vide c’est le plein ». Le vers de Gherasim Luca peut être compris
comme on le veut, mais en essence, l’idée est la même de Frédéric Nef qui parle
du vide métaphysique générateur de choses. Donc le vide doit être si plein, si
rempli et débordé d’excitations (le pare excitations est cassé d’évidence)
qu’il revient à être vide. C’est un trop plein qui ressemble à être vide (c’est
un peu comme le principe du froid paradoxal : c’est si froid que ça
brule !) (4 mars 2018)
[7] Bokanowski, Th., Traumatisme,
traumatique, trauma, Revue française de psychanalyse, 2002/3 Vol. 66, pp.
745-757.
[8] Je dois, quand même revoir ces trois termes :
trauma, traumatisme, traumatique. « La psychanalyse a
repris ces termes (chez Freud on ne rencontre que Trauma) en transposant sur le
plan psychique les trois significations qui y étaient impliquées : celle
d’un choc violent, celle d’une effraction, celle de conséquences sur l’ensemble
de l’organisation. » et « En termes économiques, le traumatisme se
caractérise par un afflux d’excitations qui est excessif, relativement à la
tolérance du sujet et à sa capacité de maîtriser et d’élaborer psychiquement
ces excitations. » sur : http://psycha.ru/fr/dictionnaires/laplanche_et_pontalis/voc319.html (4 mars 2018)
[9] Ibid., p. 747
[10]
Bon mot ! Ça rejoint la métamorphose et
l’anamorphose avec la différence que quand on métabolise, il s’agit d’une
transformation vitale indispensable à la vie. C’est basique. C’est de la
transformation de la matière en énergie. (4 mars 2018)
[11] Freud, S., Une
névrose démoniaque au XVII siècle, 1923
[12] Anzieu, D., Le
corps de l’œuvre, Gallimard, 1981
[13] Freud, S., Cinq
leçons de psychanalyse, 1904
[15] La
réticence que je perds quand même (4 mars 2018)
[16]
Pose en maitre et crée lui-même son mythe. Il a aussi un discours élaboré et il
se cache derrière celui-ci. Ça c’est une réalité que personnellement j’ai
beaucoup de mal à l’adopter. J’improvise et je raconte des histoires même si je
me rends compte qu’aux personnes qui ne savent pas grande chose sur l’art ou à
qui ne l’intéresse pas, je donne une réponse invariable : « Oui, on
peut dire que c’est abstrait. Ce n’est pas important l’histoire et le contenu
dans le tableau-dessin-sculpture ! » Puis, à la manière d’une planche
de Rorsach « Mais qu’est que tu vois toi ? Je pense que, comme le
disait Umberto Eco, l’œuvre est ouverte et on doit se sentir libre de voir tout
ce que l’on veut là-dedans ! On peut même interpréter (attends, et
toi pourquoi tu vois des draps froissés et des chemins vers l’infini là où j’ai
peint des oignons ? Bizarre…) Donc, oui, je le fais, mais pas avec tous…
Je connais une excellente artiste (la majorité, d’ailleurs ; mon mari
répète ses discours avec moi !) qui dit toujours la même chose, dans tous
les interviews et pour toutes ses expos et à tous. Ce qu’on vient de
m’expliquer, je l’entend plus loin, mot-à-mot, appris par cœur, presque comme
une litanie. Je trouve que c’est un très bon mécanisme de défense qui protège
des intrusions de l’autre. Cet autre, souvent incapable de créer qui veut
arracher un petit secret. Pénétrer. (4 mars 2018)
[17]
Hello ! Un artiste, déjà sort
du représentatif et typique. Tout le monde sort. Il faudrait une cohorte de
singularités pour trouver la chose en commun. Et il y a des choses. Peut être
c’est difficile de voir quels mécanismes partagent Pollock et Mondrian, par
exemple. On dirait que rien : l’un est pur hasard, Jack the Dripper
violent et tout et l’autre peint entre les lignes tracées à la règle… Ou
Rothco… tous ce zen dans ses tableaux, on dirait qu’il était heureux. Il s’est
suicidé. Qu’est qu’on peut penser ? Un trop plein de choses qu’il a essayé
vainement d’apaiser en peignant une sorte de perfection visuelle ? En
peignant la tranquillité ? Soutine était-il plus heureux en débordant
d’énergie sur le tableau ? Les siens sont une explosion. Les miens aussi,
mais j’ai la chance de penser à ça et même d’écrire. Poser en mots c’est… Ok,
la base de la cure est la parole, donc… (4 mars 2018)
[18] «il nous faisait couper des brindilles de différentes
tailles… des brindilles infinies, infinies, infinies, infinies. », (ma
traduction) Kiki Smith en family history & the history of objects », www.art21.org
[19]
Non. Pas du tout. C’st ce que l’on fait avec ce
trauma. Donc il faut avoir d’abord une capacité pour créer et une capacité pour
absorber ce négatif. Le traumatisme n’est pas essentiel, tout le monde est plus
ou moins traumatisé, tout le monde est marqué par des événements et impressionné
par la mort… C’est comme le dit Catherine Desprats-Pequignot dans son article
« Trauma à répétition : un moteur pour la création » le « trauma peut
devenir un outil de travail et un matériau de construction dans la réalisation
d’une œuvre » C’est un des facteurs. Les autres c’st un mode de pensée
différent du cartésien et l’acceptation du mystère,
de l’inconnu et tout cela en ayant à la base une sorte de noyau génétique (don,
talent, prédisposition, je ne sais pas) qui passe par l’expérience, qui passe
par les autres, qui apprend aussi… (4
mars 2018)
[20]
Le surmonter, le travailler, faire quelque chose avec. J’aime le
mot « exorciser » : chasser les démons qui ont possédé
quelqu’un… On est, à la fin possédé par des choses et les artistes on met à
l’extérieur ce que nous tourmente à l’intérieur. Hop ! Démon dehors !
Et on peut continuer vivre ! Sauf qu’on est plein de démons, on les
attire, on a le sang doux pour eux. On leur plait, à ces démons… On est
délicieux. Et on déborde. On les vomit dans l’œuvre … Et quand je dis démon, ce
n’est pas le mal, ça peut être le diable de la beauté qui ne veut que ça :
remplir sa vue du beau… (4 mars
2018)
[21] Lowenfeld, H., p.677
[22] p. 191
[23] Dictionnaire de la psychanalyse, p. 310
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