Je viens de rouvrir le livre de Lourau La clé des champs et les mots qui me sautent aux yeux: "processus encore actif aujourd'hui, de critique de l'institué (en matière de formes politiques d'action)." (p.7) Ce que je pensais que l'AI n'a pas été abordée en relation au monde de l'art et dans des questions de genre. Je n'ai pas eu l'occasion de lire la Critique de la vie quotidienne, mais ces trois moments: institué, instituant et institutionnalisation peuvent dépasser largement la psychothérapie institutionnelle, la pédagogie institutionnelle et la socianalyse institutionnelle. Quoique, cette dernière me semble plus l'application de l'AI dans la pratique…
Donc, mes deux questionnements (qui peuvent devenir un):
  1. Le féminisme est-il institué?
  2. Quel type d'instituant pour le monde de l'art?
La première c'est une question très compliquée  et sur laquelle je ne sais que très peu, mais c'est une sorte de réflexion personnelle sur le vécu. Et quand je parle du féminisme, c'est toujours lié au monde de l'art. Première remarque, juste pour rire: féminisme, nom masculin et masculinité, nom féminin. Justice rendue :-) Égalité. En faisant des recherches pour le texte que je veux faire sur les artistes-femmes (catégorie instituée qui n'attend qu'à être perturbée) je tombe sur une multitude de sites, blogs, émissions, projets, musées dédiés à l'artiste-femme tous ou presque prônant une idée de rendre justice, de visibiliser la femme créatrice qui a été invisibilisée injustement pendant des siècles.  D'une part, c'est bien et c'est important. Mais de l'autre, je sens que c'est un discours et une manière de penser/fonctionner qui n'est plus possible. Le concept c'est institutionnalisé et il y a l'intérieur des rapports de pouvoir et des normes. Déjà le monde de l'art, l'institution de l'art est d'une complexité spéculative qu'on se passerait volontiers de ce genre de catégories de genre (répétition voulue). Mais, à la fin, si je me pose la question si "le féminisme est-il institué?" c'est une question dans le vide. Je sens qu'il y a quelque chose qui cloche là dedans mais je n'arrive pas à la formuler. Je vais citer à Lourau: "Elle réside dans la claire considération des limites théoriques et pratiques que l'analyse en situation rencontre et dessine elle-même dès qu'elle est instituée dans la pratique sociale. La considération de ces limites est inséparable de la conscience du non-savoir qui ne doit être jamais absente de l'analyse. Ce non-savoir, qui, mieux que Hegel, théoricien déchiré du Savoir absolu, pourrait en donner une idée? "L'esprit conquiert sa vérité seulement à condition de se retrouver soi-même dans l'absolu déchirement. L'esprit est cette puissance en n'étant pas semblable au positif qui se détourne du négatif (comme quand nous disons d'une chose qu'elle n'est rien, ou qu'elle est fausse, et que, débarrassé alors d'elle, nous passons sans plus à quelque chose d'autre), mais l'esprit est cette puissance seulement en sachant regarder le négatif en face, et en sachant séjourner près de lui (8)."" (Lourau, L'analyse institutionnelle, p. 21) Ainsi, ce que me dérangerait à la fin serait l'aliénation de l'artiste. Parce qu'on appartient à des minorités et c'est pas cette appartenance qui doit nous ouvrir des espaces dans l'institution art…

Et deux: l'art est une institution. L'art a des institutions très claires: musées, galeries, maisons d'enchères, écoles. Les establishment de l'art.  Mais, à part le establishment il y a un système gigantesque, une structure avec une multitude de sous-structures auxquelles il faut réussir accéder. Je lisais hier un article sur un peintre roumain, Adrian Ghenie, qui a réussi à battre un record de prix avec un de ses tableaux. Et l'article (qui se demandait si l'artiste reçoit quelque chose de cette quantité astronomique) a décrit très bien le système financier de l'art qui, de nos jours est l'institution de l'art. L'artiste qui ne fait pas partie de ce système/ réseau ne survit pas. Enfin, oui il survit mais il ne s'échappe pas à une simple survivance. Et, l'artiste malgré le mythe qui l'entoure contribue à cette institution. Seul cas instituant connu (les autres,sont des honorables inconnus - pour dire que jouer à l'instituant dans le monde de l'art n'est pas possible): Damien Hirst qui a ignoré la première étape du réseau, la galerie d'art.  Il c'est fait seul son marché en allant directement chez une maison d'enchères. On dit que c'était plus un moment de bravade ou qui faisait partie de son statement d'artiste. Pour moi c'est un moment instituant. Hirst est l'artiste le plus riche et le plus détesté. Personne a suivi ses pas et il est nommé charlatan,  requin, etc. Personnellement je trouve son oeuvre nulle, mais j'apprécie son manque de respect à une partie (au moins) du système de l'institution de l'art…  
A la fin, l'artiste est très aliéné. Et c'est pire, je trouve, pour les femmes qui sont artistes (pas artistes-femmes) et qui à part de devoir et pouvoir fonctionner dans ce système doivent aussi faire face à cette institutionnalisation de la minorité...


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