Compte rendu du lancement du livre de hier.
Je crois que c'était mon premier lancement de livre. Surtout d'un livre où je suis sujet… Salle pleine d'une université, beaucoup de vieux, table d'honneur avec l'auteur, le recteur et la présidente de l'académie de la langue qui ferait la présentation. Très solennel. La dame a parlé pendant une demi heure, elle nous avait fait le résumé du livre, l'auteur a fait un discours politique contre l'ex-président, le recteur a remercié en politisant aussi l'affaire… (cette université a failli être fermé par l'ex président: il y a eu de la résistance et l'affaire a pas mal sonné il y a quelques mois). Puis, une vidéo documentaire sur les 13 artistes.
Enfin, il ne s'agit pas de raconter cette mise en place d'une présentation, il s'agit plus de mon ressenti. Dans le personnel, j'ai eu honte. J'ai senti mon visage brûler quand on me mentionnait et j'ai eu très envie de disparaitre quand je suis passée sur la vidéo… Et, avant tout, vraiment je ne voulais pas être là. Oui et non. Oui, avec ça je suis inscrite dans l'histoire de l'art équatorien, mais… beurk! artiste-femme! La vidéo me montre en tant que personne extrêmement inarticulée qui parle l'espagnol avec un accent à couper au couteau (honte) et qui ne peut pas former une phrase entière (double honte - je me rappelle de la soutenance de M1). En psychologisant un peu, c'est ma peur des gens et des caméras → du public. Je parle très bien avec quelques amis, mais je sens m'effondrer quand je suis dans une situation de me présenter verbalement: je tremble, je rougis, ma voix se coupe et mon cerveau s'en va en promenade… Une soutenance c'est devant un jury et ça reste là; elle peut te baisser ou augmenter des points à la note, mais un documentaire… ça reste dans l'histoire et ça circule. Le pire, c'est que cette situation honteuse n'est pas liée seulement à mon handicap "social" et "verbal" c'est celui qui fait la vidéo qui aurait pu choisir sur une heure d'interview des choses plus intéressantes (j'aurais bien aimé qu'il choisisse le moment où je lui montre fièrement mon tatouage avec un bout du Opus 35 de Tchaïkovski…)
Donc, vidéo/acte finis je cherche un rapidement un verre (obligé à chaque manifestation culturelle) et je m'enfuis fumer dehors (1).
Mauvaise idée, parce que c'est à ce moment que commence le travail! On achète le livre, on cherche  l'auteur et les artistes présentes, on demande des autographes, on se prend des photos, on sourit, on félicite, on remercie. C'est là le travail extérieur de l'artiste: être sympa et vendre une image. Être poli, être politicien.  Correct, intégré, suivre ces règles non écrite du comportement dans ce genre de situation. Être politiquement correct?
J'ai très peu compris de la deuxième séquence de PNLS, je n'ai pas réussi à faire des liens avec ma réalité, mais hier, en regardant ces nuques sérieuses et concentrées sur un discours interminable, ennuyant puis (alcohol aidant?) une joie démesurée et… Je pensais que peut-être, tout comme moi qui n'a aucune envie d'être là il y a aussi des autres. Ou, peut-être, il savent jouer le jeu, l'acceptent pleinement et ils sont convaincus de sa utilité. Par exemple, mes collègues présentes dans le livre et au lancement savent, connaissent très bien ce travail à faire: elle ne sortent pas fumer juste après l'acte inaugural. Elle commencent à travailler, à distribuer des sourires, gentils mots, autographes, etc. Elles le font parce qu'elle le veulent ou parce qu'elle le doivent? Je me suis rappelée du post de Christopher sur l'étymologie du mot police où il inclut aussi comme dérivé le mot politesse. La politesse qui est la police intérieure à la fin! Elle est politiquement correcte. Elle fonctionne dans ce système. Elle a son lieu dans le dispositif. Voilà un élément pour mon analyse. Dans une exposition on a toujours cette facette de (se) vendre: il faut correspondre à une certaine image. Il faut aussi se la forger. Mais la norme dit (c'est pas écrit ça): il faut jouer un rôle devant l'usager du produit exposition. Le rôle d'une personne sympathique, propre, bien habillée, qui sait lier deux-trois mots. Être la gentillesse incarnée, même si au fond, derrière tout ça, l'exposition a été une catastrophe: t'as eu des conflits avec l'institution, avec la galeriste, on t'a taché un dessin, on t'a coupé une peinture (ça m'est arrivé dans un musée), c'était mal encadré, mal présenté le vernissage, il y a des problèmes avec le micro,  tu t'es querellé avec ton conjoint, t'as mal au ventre, tu veux fuir au plus loin et que tu sais que l'essentiel là n'est pas cet acte mais l'oeuvre montée sur des murs qui forme l'oeuvre-exposition. Le reste c'est du cirque dirigé par la police.

(1) je devrais rédiger un manifeste contre cette culture de cocktails

Commentaires

Articles les plus consultés