Voilà avec ce que je commencerais l'intensive du 23 octobre: 

17 octobre 2017
Avant que je puisse définir la continuation de ma recherche, je dois aller en arrière, vers la naissance de l’idée de la note d’investigation de M1.
En tant qu’artiste qui fait des études en sciences de l’éducation, qu’est-ce que ça pourrait m’intéresser ? La formation artistique, bien-sûr ! L’idée de départ, idée que je garde toujours comme thème global se nommait « La création du créateur ». Et l’idée est de continuer à compléter ce sujet si vaste. Global même.

Cette « globalité » je pu l’entrevoir cette semaine sous forme imagée et métaphorique : un iceberg.
Dans la NI de M1 j’ai tenté de traiter une petite partie de ce que se trouve dans le souterrain. Je ne trouve pas que ma tentative est très aboutie, mais en faisant la semaine dernière sa traduction en espagnol (j’ai des curieux) j’ai pu la relire différemment. J’ai pu me rappeler que cette NI n’était qu’un début, qu’une partie d’une idée globale. Cette idée c’est éclairée aussi au cours d’une lecture qui n’était pas du tout programmée.
Donc, sur mon schéma (pas très abouti) je veux montrer un grand et global ensemble « connaissance / savoir / formation  / devenir» qui est coupé horizontalement en une partie visible, extérieure (verbalisable, pourquoi pas) et une autre, beaucoup plus grande qui est invisible, qui échappe à la raison, qui est le négatif[L1] . Dans ce grand tout se trouve le iceberg de la formation/devenir [L2] de l’artiste qui, elle aussi, a la partie la plus grande dans l’inconnu.
Je me rends compte en écrivant cette idée que mon iceberg ressemble trop à un autre, trop bien connu :




Voici mon iceberg: 


Savoir, formation, connaissance en général (le grand bleu qui encercle l'iceberg) 




 



























Durant l’écriture de ma NI sur le vide, j’ai été très tentée de chercher du côté de la capacité négative – la description n’était que trop attirante. Jusqu’à présent je n’ai rien lu sur le sujet, sauf l’introduction du livre « Seul dans la splendeur » (recueil bilingue de la poésie de Keats) par Robert Davreu. J’étais curieuse de connaître le poète et je trouve de nouveau cette capacité négative ! « La capacité négative désigne une faculté qui est la faculté poétique elle-même, qu’il faut étendre et accroitre contre la tentation du renoncement qu’est l’adoption précipitée d’un dogme, d’une doctrine, d’une croyance quelconque, bref de ce que nous appellerions aujourd’hui une idéologie, fût-elle l’idéologie de la poésie. (…) Négative elle n’est parce qu’elle est, non pas seulement pensée, mais intimement vécue comme une lutte de tous les instants conte toutes les forces puissante qui poussent en sens inverse, c’est à dire en définitive contre la mort [L1] du sens qu’est la détermination de tout sens, contre la mort de l’amour qui est à l’horizon de toute cristallisation[L2]  sur une personne, contre la mort tout court dont chacun, sitôt né, porte sans doute en lui-même le désir obscur et que signifie tout achèvement d’une identité. » (p. 18-19) Comme j’ai cherché un peu plus sur Keats, je découvre un autre concept et quelques thèses écrites sur ce dernier. Tout comme la capacité négative, le poète caméléon n’apparaît que dans sa correspondance : « What shocks the virtuous philosopher, delights the camelion Poet. It does no harm from its relish of the dark side of things any more than from its taste for the bright one; because they both end in speculation. »[1] Cette prédisposition poétique vers ce que « choque » le  philosophe est, il me semble, ce que échappe à la cognition… Pour développer à Keats, je vais faire recours à un autre poète que je viens de découvrir philosophe (un vrai). C’est une rentrée poétique pour moi…

Je n’écrase pas la corolle des merveilles du monde
Et je ne tue pas
Avec la raison
, les mystères que je croise
sur mon chemin
dans des fleurs, yeux, lèvres ou tombes
La lumière des autres
étouffe le charme de l’impénétrable caché
dans des profondeurs de ténèbres
mais moi,
avec ma lumière j'accrois le mystère du monde
-
tout comme la lune et ses rayons blancs
ne réduit pas, mais tremblante
accroit plus le mystère de la nuit,
de même, j’enrichis l’horizon ténébreux
aux longs frissons de saint mystère
et tout ce qui est incompris
devient des incompris plus grands
sous mes yeux –
parce que j’aime
des fleurs, des yeux, des lèvres et des tombes[2]

A Lucian Blaga je le connais depuis mon enfance. Ce poème je l’ai appris à l’école[3], j’en connais aussi d’autres, mais je découvre que maintenant son œuvre  philosophique et le fait qu’il était plus philosophe que poète.
Il a créé un système philosophique (encore/assez méconnu en Occident) en 4 trilogies : La trilogie de la connaissance (conscience philosophique, l’éon dogmatique, la connaissance luciférique, etc.), La trilogie de la culture, La trilogie des valeurs (science et création, pensée magique et religion, art et valeur) et La trilogie cosmologique. J’ai entre mes mains la Trilogie de la connaissance (on devine pourquoi) et, bien évidemment c’est la connaissance luciférique qui m’intéresse. Celle-ci, d’ailleurs est née dans le poème que je mets plus haut… La connaissance luciférique est celle du poète qui accroit le mystère (à première vue, c’est une sorte de capacité négative, mais Keats n’a pas développé l’affaire sur quelques centaines de pages). La connaissance luciférique s’oppose à la connaissance paradisiaque qui « tue avec la raison les mystères »…
Donc, avec cette poétique il semble que je veux rester  dans la partie souterraine de mon iceberg. Oui et non.

o   J’ai très envie de continuer la recherche sur ce « négatif », « luciférique », non-savoir, mystère et inconnu, mais je sens que ça dépasse mes capacités intellectuelles actuelles.
o   La partie « visible » qui est… je ne sais pas comment la nommer, palpable, réelle, concrète, qui n’échappe pas à la raison n’est pas à négliger. En plus, la ligne rouge qui divise ce haut et bas devrait être perméable, en zigzag  parce qu’elle n’est pas une coupure nette (comme la préconscience qui sépare conscient de l’inconscient) : le visible rentre dans l’invisible et vice-versa.
o   Traiter la partie visible serait aussi sortir un peu dans le social, passer vers une zone de l’extime.
o   Mon idée est, quand même, de faire une recherche « globale » sur le « devenir artiste », sur la création d’un créateur et ça c’est le sujet d’une thèse. Sujet dans lequel je ne pourrais pas ignorer la formation par autrui et même institutionnelle. Peut-être j’ai mal fait de commencer en M1 avec la partie la plus compliquée : ç’aurait été très simple de commencer par interroger l’institution éducative qui forme ou déforme à la création
o   Si je ne reste que dans le souterrain, je me demande si la recherche doit se limiter qu’au artistique ; il me semble que j’irais tout simplement vers la théorie de la connaissance (de la non-connaissance plutôt) ce que, de nouveau, dépasse mes capacités (négatives ou non). Sans mentionner que je n’ai aucune idée de comment aborder un sujet pareil : il me semble que le sujet exige de la théorie pure, parce que… comment y intégrer le terrain ?
o   Me trouver dans la partie basse, négative où est le non-savoir, les mystères à accroitre et l’inconscient, je dois apprendre mieux la psychanalyse. A la fin, pour moi la multiréférentialité est parfaite, mais dans la NI j’ai donné plus d’importance à la philosophie. Ça c’était tout simplement parce qu’elle me semblait plus facile à aborder. J’ai du mal à séparer la théorie psychanalytique de sa clinique, du sujet en souffrance, du pathologique… D’une part c’est la « dé-formation » que  j’ai reçue durant ma licence en psychologie, c’est aussi le fait que dans les textes psychanalytiques on trouve toujours des études de cas… Bon la théorie est basée sur les histoires des sujets. Le psychanalyste n’élabore pas une théorie dans la solitude comme le philosophe (qui peut aller réfléchir dans la forêt, s’il le veut) : il a ses « sujets » qui le ailent… Enfin, c’est un problème personnel que j’ai, que je ne comprends pas trop bien et qui m’empêche d’aborder la psychanalyse comme j’aborde la philosophie. L’ignorance est audacieuse, je suis ignorante dans les deux domaines, mais j’ai beaucoup de respect pour la psychanalyse.

Donc, pour résumer ce premier flux d’idées sur la continuation de ma recherche en M2  il me semble que le plus prudent serait de continuer avec l’idée abrupte de ma NI : aller interroger étudiants et professeurs de la faculté d’arts sur la formation à la création (existe-t-elle et comment ? la formation va au-delà de l’apprentissage de la grammaire ? est-elle impartie ? est-elle reçue ?) D’une part, lancer une idée de ce type me dérange un peu : ça me semble une recherche simple/simpliste, mais de l’autre…
De l’autre côté, une recherche action de ce type permet aussi l’intégration d’une recherche action existentielle (la frontière perméable entre le souterrain et le visible) qui me permettrait d’incursionner et de continuer avec ce que m’intéresse : le négatif.
En plus, si je prétends (je désire) de continuer en thèse sur un sujet plus global sur le devenir artistique, j’ai besoin d’y toucher à cette partie externe… Même si le souterrain est tellement plus intéressant et important. Surtout quand il s’agit de la création artistique et de la (auto)création en tant que créateur.








[2] Lucian Blaga ; traduction très personnelle ; je ne suis pas poète, mais il y a une version plus officielle sur : http://www.espritsnomades.com/sitelitterature/Blaga/blaga.html
[3] peut-être seulement à l’école de ma mère à la maison, car il était interdit par les soviétiques






 [L1]C’est un peu comme ce que dit Green sur l’inachèvement : l’achèvement c’est la mort.  (très de mémoire)


 [L2]J’aime bien ce mot qui n’est pas négatif, il fait partie du mal (Jullien) C’est le contraire du mouvement, du changement, etc.





 [L1]Jullien


 [L2]Je préfère dire « devenir » parce qu’il semble contenir « être » et « non-être »

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