Bon, soit-disant je me suis donnée de vacances (j'ai regardé un peu de télé, quand même), mais les lectures, même plus légères sont inévitables.
Je relis avec le plus grand des plaisirs et avec d'autres yeux les petits livres de Charles Juliet sur des artistes. Éditions L'Échoppe - ce sont des livres impeccables qui sentent bien, qui se sentent bien dans la main,  beau papier et, en plus, il faut leur couper les pages! Ça donne envie d'écrire ce genre d'éditions (José Corti aussi)! Enfin:
  1. Shitao et Cézanne. L'Échoppe 2003 Cézanne dit:
  • "Savoir voir. Sentir…"
  • "Je crois que le peintre apprend à penser. Sur nature, il apprend à voir".
  • "Je veux savoir. Savoir pour mieux sentir, sentir pour mieux savoir."  (p.14) Sentir, c'est comme un chemin vers la connaissance de soi.
"Certains prétendent qu'on ne peut se connaître par soi-même. Ceux  que hante ce besoin ne se posent pas le problème. Ils n'ont pas le choix. Il leur faut coute que coute avancer dans l'inconnu à la rencontre de cet être enfoui qu'il leur est enjoint de faire s'épanouir. " (p. 17) Le besoin est toujours présent et le non-savoir prend une forme de cheminement vers soi-même. Un soi-même qu'on ne connaît pas et qui, à travers cette non-connaissance pousse vers une sorte de savoir. Savoir de soi en faisant oeuvre et qui permet aussi au spectateur de se connaître à soi-même à travers cette oeuvre… Une sorte de découverte d'une vérité. "Voir avec innocence, en dehors de tout savoir, de toute référence, de toute intention." (p. 19)
Quelque chose qui m'étonne: "Descartes avait déjà remarqué que vouloir, imaginer, sentir, c'est aussi, c'est inévitablement penser." (p. 20)Vraiment? Est-ce que sentir c'est penser? Oui, peut-être. Mais c'est un penser différent du penser rationnellement. C'est un peu au-delà de la pensée…
""L'homme de bien oeuvre en lui-même sans relâche", nous rappelle Shitao citant Le Livre des Mutations, l'ouvrage le plus ancien de la littérature chinoise. De même le peintre doit sans trêve oeuvrer en lui-même. Oeuvrer à s'intensifier, s'affiner, aller toujours plus avant dans sa quête de lui-même, de l'Un, de cela à quoi l'être humain aspire et qu'il ne saurait nommer." (p. 22) C'est ça: oeuvrer. Se former. Devenir. Etre son propre oeuvre. Et pas seulement le peintre: la formation constante est si commune - la création du créateur ne devrait pas être réservée qu'aux artistes, tous travaillent sur soi-même, d'une manière ou d'une autre. A travers le spirituel, la famille, les enfants, l'épanouissement peut prendre tellement de formes…
2.   Entretien avec Pierre Soulages, Charles Juliet, L'Échoppe, 1990
"P. Soulages. Quel métier? "Métier" désigne une pratique apprise et répétée, c'est un mot d'artisan: l'artisan produit un objet qu'il connaît d'avance, avec des outils qu'il connaît et des pratiques programmées. Ce n'est pas le cas de l'artiste qui va vers ce qu'il ne connaît pas, par des chemins qu'il ignore." (p. 26)  Voilà ce que définit le travail artistique et… oh, surprise! On est toujours dans le non-savoir. Aller vers ce qu'on ne connaît pas… en oeuvrant!
"Ch. Juliet: En peignant, que cherchez-vous?
P. S. J'ai souvent dit que j'apprenais ce que je cherche en peignant, les couleurs et les outils en main. Ainsi j'ai rencontré souvent ce que je n'attendais pas.
Connaître d'avance ce que l'on cherche, c'est déjà l'avoir trouvé." (p. 38)

On cherche sans savoir et on trouve en faisant. Y-a-t-il une réflexion dans le geste? Ou ce ne sont que les automatismes? Un de mes professeurs du lycée (j'ai fait un lycée de beaux-arts) quand nous voyait sans rien faire, le regard vide nous demandait "Qu'est-ce que tu fais?" - "Je pense!" c'était la réponse-excuse à l'inactivité. Sa réponse m'a énervée pendant des années jusqu'à ce que je l'ai comprise: "Pense avec le crayon"... "Quoi? Je pense avec la tête, moi!"  Il s'agit de faire de la réflexion faisante. On n'est pas des philosophes…

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