Publication de l'impubliable de hier (pas d'internet)
12 février 20h (heure de France, quelque part dans le ciel)

Voilà, de nouveau dans un avion. Ennuyée à mort et il me manquent encore quelques heures… Au -moins j'ai réussi le prendre cet avion: à Amsterdam il a neigé et tout a été en retard: on ne pouvait pas sortir de Lyon, on perdait les correspondances, etc. La catastrophe. La neige, par contre, jolie.
Finalement je contrebande du fromage, saucisson et foie gras et, le plus important, des livres. Cette fois dans la cabine j'ai le livre de ma mère "Rilke-Poème. Élancé dans l'asphère", "Penser la formation" de Fabre et "La force du vide" de Nef.
J'ai lu un peu des trois.
Commençons par le premier: ma mère, Luminitza C. Tigirlas, est aussi très intéressée par la création. Elle le prend un peu différent que moi, mais la différence est minime et subtile. En plus, ce n'est pas le même la création d'un créateur des mots que la création des images. Nous sommes dans des registres différents (les arts plastiques me semblent plus physiques contre la parole - celle-ci je la situerais entre l'éthéré de la musique et quelque chose de plus lourd, terrestre, la peinture, la sculpture[1]) mais il y a des choses essentielles qui changent pas entre un art et un autre… La création, on l'a vu déjà chez Pasternak cité par Tarkovski demande sacrifice et c'est l'expérience qui compte toujours. La Erlebnis. Le spirituel aussi.  "Blanchot ramène le regard de l'expérience mystique de Duino au niveau de la vision de l'art. La pratique de l'artiste lui apparaît comme extatique et c'est à dire, une expérience de mort. Voir comme il faut, au sens de Blanchot, c'est "essentiellement mourir, c'est introduire dans la vue ce retournement qu'est l'extase et qu'est la mort. Ce qui ne signifie pas que tout sombre dans le vide"." (P.30) Voilà un rendez-vous à trois: moi, maman et le vide[2]!  Puis, plus loin "Il faut déborder, pas seulement atteindre le bord. La "secrète passion liquide" est le débordement. Déborder[3] ne signifie pas la plénitude, mais "le vide, l'excès au regard duquel le plein est encore en défaut"." (P. 43-44) Ça, s'appelle une belle écriture, je n'ai pas hérité ce talent.
Ce que me ramène tout de suite chez Nef: il a fait un manuel du vide…
Le vide, n'est pas le rien et n'est pas le néant. Chaque mot a son origine, son sens spécifique, son mouvement. Ce sont des moins pleins de sens. Et, du coup, je doute que le vide soit vraiment mon mot. On dirait que le rien est plus… plein de vie! Le "rien", "dérive de res ("bien", "richesse" et abstraitement "chose") ou plus exactement de l'accusatif de res, rem, ce qui explique la survivance d'une détermination indéfinie: un rien par exemple dans "un rien l'agace", et d'une possibilité de qualification: par exemple "il était fou de jolis petits riens"." (P. 37)  Puis, "le néant n'a point de centre, et ses limites sont le néant" (p. 38) ou "partout où il existe un vide , il y a un espace qui l'entourent, mais le néant existe indépendamment de l'espace; en conséquence, le néant et le vide ne sont point pareils, car on peut se diviser à l'infini, alors que le néant ne saurait être divisé, puisque rien ne peut être moindre que lui, et si tu pouvais en distraire une partie, cette partie serait égale au tout et le tout à la partie." (Léonard de Vinci, Carnets, p.68 cité par Nef, p. 38) Qu'est que c'est créateur de ces trois? L'Indivisible, le vide divisible ou le néant entier?





[1] C'est drôle comme je classifie les choses! Je n'ai qu'un point de vue: celui d'un peintre. Mais il y a une réalité aussi: les beaux-arts impliquer du travail très physique et très sale. On n'a pas de belles mains comme des violonistes et on ne peut pas écrire en costume crève ou robe de bal... c'est la salopette, des gants, des masques, des produits chimiques, de gros tableaux à bouger par ci par là... non, ce n'est pas de la symphonie ça, c'est un travail d'ouvrier, un peu ce que les arts ont toujours été considérées. Je vais citer à Fabre sur ça:
" Dans l'université médiévale, la Faculté des arts qui constitue approximativement l'équivalent de notre enseignement secondaire n'enseigne que les arts libéraux du tritium (grammaire, rhétorique, logique) et du quadrifide (géométrie, arithmétique , astronomie , musique). (...) Quant aux facultés supérieures (théologie, médecine , droit)..." Les peintres, les sculpteurs étaient des artisans, des ouvriers parmi d'autres...

[2] Bon titre!!!!!

[3] Cette citation je dois la mastiquer un peu plus. J'ai des idées, des vécus mais je n'arrive pas à verbaliser. C'est un peu comme les étapes du processus créatif qui sont, peut-être, en un mouvement circulaire, de spirale qui n'a pas exactement un premier pas , puis un deuxième... on peut avoir du plein avant le vide, ou vice versa, ou pas de vide ou pas de plein.. Un peu comme dans ce poème de Gherasim Luca


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