L'expérience du voyage prend
des chemins des plus bizarres.
Dernièrement je passe beaucoup
sur les routes du pays: des chaleurs de la côte équatorienne à Guayaquil (avec
une culture très différente du reste du pays) vers le nord, terres plus vertes
et fertiles. Hier, dans la voiture, je pense avoir trouvé le titre de ce
journal. "Sur la ligne imaginaire". Pourquoi? D'une part, c'est
l'Équateur, pays qui porte le nom de cette ligne imaginaire qui sépare en deux
notre globe, calculée par Condamine et la mission géodésique
franco-Equatorienne. Et de l'autre, c'est une expérience bizarre, un peu de
l'ordre du mystique que j'ai eu avant hier.
Alors, la ligne équatoriale.
Elle m'impressionne toujours. Plus de quinze ans habitant ici, à une vingtaine
de kilomètres au sud, à chaque traversée j'ai un sentiment de passage, presque
de l’ordre du mystique. J'ai fait ce que font tous les touristes: se prendre en
photo un pied dans un hémisphère et un pied dans l'autre, le corps ne sent
rien, mais l'imaginaire reste rempli de ces histoires des grands explorateurs
lues dans l'enfance... Une fois franchi ce cap, cette ligne, les marins
voyaient l’eau tourbillonner de l’autre côté et tenaient toute une cérémonie de
baptême équatorial. On dirait que nous, les européens, on donne beaucoup
d’importance à ce genre d’expériences. Elles font partie de la science, de
notre rationalité ; la latitude 00’ est calculée, loin des symbolismes, mais
on lui donne un côté mystique…
Et, en parlant de passage,
d’expérience et du outre-rationnel… j’ai gouté un peu au mystique... Pour moi, le divin apparaît dans
l’émerveillement devant la nature ou l’œuvre d’art : la musique qui te
transporte, le colibri qui vient manger dans ton jardin, le raisin qui fleurit
ici en janvier, le montagnes qui transpercent légèrement le brouillard, les
tableaux de Kiefer qui sont des montagnes avec la brume en elles… Enfin, pas
dieux, pas, l’église et surtout pas des rituels plus païens. Je suis un enfant
soviétique, très rationnel en dehors de ma création. Mais, occasion se
présentant pendant les fêtes, j’ai eu ma lecture de chiromantique et de tarot
par une gitane bolivienne. Intéressant. Pas de vérités là ou, pire, des
prévisions, mais, une seule phrase qui m’a touchée « trop de sentiments
dans la tête ». Ces quelques mots je les ai mis en lien avec ce cours,
avec ce journal. Je n’arrive pas à le travailler sérieusement, mon Ecuador me
traîne trop vers l’intime et je n’aime pas l’Ecuador… Je devrais aller plus
vers l’expérience intérieure, celle qui est créatrice, formatrice et
déformatrice aussi, mais je ne peux pas éviter l’amertume de l’exilé,
l’intégration qui n’existe qu’en théorie…
« Je ne suis plus à Quito,
je suis dans la lecture » (p. 41) a réussi dire Michaux j’espère être plus
dans la lecture que dans cette ville.
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